Agence de design social – agence de propagande russe.

Des documents internes de “l’Agence russe de design sociale” (ASD) ont été rendus publics par les médias allemands Süddeutsche Zeitung, NDR, WDR et Delfi en Estonie. Il s’agit d’une organisation liée au Kremlin, sanctionnée par l’UE et les États-Unis.

Le but de l’opération, menée par l’agence, était de discréditer l’Ukraine, ses dirigeants et les nations occidentales pro-ukrainiennes, en promouvant les intérêts russes et les politiciens européens pro-Kremlin.

L’organisation ASD et sa campagne Doppelganger

Les documents divulgués révèlent la véritable nature de l’ASD, dirigé par le stratège politique russe Ilya Gambachidze.

L’organisation se présente comme un cabinet de conseil en médias à service complet, offrant tout, de la surveillance des médias occidentaux à la lutte contre les menaces des campagnes de désinformation.

Les journalistes ont obtenu une présentation vidéo interne dans laquelle Gambashidze enlève symboliquement ses lunettes noires et sa cagoule de style militaire, indiquant que “se cacher n’est plus nécessaire” après la révélation en 2023 de la campagne “Doppelganger” d’ASD par les services de renseignement français.

L’opération Doppelganger était un effort de désinformation massif impliquant la création de faux sites Internet ressemblant à des médias bien connus comme Le Monde et Der Spiegel, qui publiaient des articles trompeurs visant à discréditer l’Ukraine.

La campagne s’est également étendue aux États-Unis, en Allemagne et en Israël, et a été qualifiée par Meta (la société mère de Facebook) comme l’une des plus grandes opérations spéciales russes qu’elle ait rencontrées depuis 2017.

Les autorités américaines accusent directement ASD de travailler pour le Kremlin, avec Sergei Kiriyenko, premier chef adjoint de l’administration Poutine, supervisant ses activités. En outre, les fichiers divulgués mentionnent fréquemment Sofia Zakharova, une autre responsable du Kremlin, qui jouerait un rôle clé dans la planification des campagnes de désinformation.

Comment fonctionne l’ASD

Trois domaines clés comprennent les opérations d’ASD : la surveillance, l’analyse et la génération de contenu créatif.

Une équipe de 24 membres du personnel suit méticuleusement plus de 1 000 voix influentes dans les cercles pro et anti-russes, analysant les articles et les publications sur les réseaux sociaux en six langues pour identifier les opportunités de désinformation.

Lors de la phase d’analyse, l’agence étudie les publics cibles et crée des “points de discussion” ou des “récits” que ses agents peuvent utiliser. Enfin, l’équipe créative d’ASD développe de faux articles d’actualité, des publications sur les réseaux sociaux et de la propagande visuelle adaptée pour entrer en résonance avec des pays et des cultures spécifiques.

De janvier à avril 2024 seulement, l’équipe a produit près de 40 000 éléments de contenu, notamment de faux messages, vidéos, mèmes et documents officiels fabriqués.

Les autorités ont accusé ASD d’avoir falsifié des documents officiels du gouvernement, notamment des communiqués de presse du ministère allemand de l’Intérieur et des douanes polonaises, dans le but de saper les institutions occidentales et de faire avancer l’agenda russe.

Ces articles de désinformation ont été conçus pour discréditer le gouvernement ukrainien, accusant souvent les dirigeants ukrainiens de censure et de manipulation, comme la dissimulation d’informations sur le personnel militaire à bord d’un avion Il-76 abattu en Russie en 2024.

Stratégie et efforts de désinformation sur les TSA

Un aspect essentiel de la stratégie de désinformation d’ASD consiste à exploiter des sujets sensibles en Ukraine, tels que les pertes militaires, la corruption et la relation controversée entre le président ukrainien Volodymyr Zelensky et l’ancien président ukrainien Petro Porochenko.

L’ASD cherche également à créer des divisions entre Zelensky et le maire de Kiev, Vitali Klitschko, ainsi qu’avec l’ancien commandant des forces armées ukrainiennes, Valeriy Zaluzhny.

Le propriétaire du mème, le milliardaire Elon Musk, l’a partagé sur le réseau social X, selon des documents internes divulgués par un centre de propagande contrôlé par le Kremlin.

Les robots d’ASD jouent un rôle clé dans la diffusion de ces récits controversés. Des fichiers divulgués montrent que ces robots ont laissé des commentaires sous les publications des agences gouvernementales ukrainiennes, des forces de l’ordre et des médias, diffusant ainsi des mensonges destinés à polariser l’opinion publique.

Cependant, les utilisateurs ukrainiens des médias sociaux sont devenus experts dans l’identification de ces efforts, révélant souvent de faux contenus en raison d’erreurs grammaticales et logiques dans les messages.

Fabriquer des histoires pour le public occidental

Les activités d’ASD s’étendent au-delà de l’Ukraine, avec un effort concerté pour diffuser de la désinformation ciblant les pays européens.

Un exemple notable est une vidéo fabriquée de toutes pièces, sous la forme d’un reportage du journal allemand Bild, affirmant que des réfugiés ukrainiens ont accidentellement incendié une maison alors qu’ils tentaient de détruire un drapeau russe.

Les vérificateurs des faits ont démystifié cette vidéo, révélant qu’elle avait été reconstituée à partir d’anciennes images sans rapport avec l’Ukraine. Malgré cela, la vidéo a été largement partagée sur les chaînes Telegram russes et sur les plateformes de médias sociaux ciblant le public européen.

D’autres histoires fabriquées visant à discréditer les Ukrainiens à l’étranger comprenaient de fausses accusations de vol et de violence, toutes destinées à retourner l’opinion publique européenne contre les réfugiés ukrainiens.

Ingérence dans les élections européennes de 2024

ASD a également cherché à influencer les élections parlementaires européennes de 2024, en soutenant les partis de droite censés promouvoir des discours pro-russes.

Des documents divulgués montrent qu’ASD avait planifié une vaste campagne de désinformation ciblant les politiciens libéraux mondialistes, dont la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.

Cette campagne visait à susciter la crainte d’une attaque potentielle de la Russie contre l’UE, à critiquer l’égalité des sexes et les droits LGBTQ+ et à accuser l’UE de mauvaise gestion économique.

En Allemagne et en France notamment, l’ASD a cherché à élever les partis d’extrême droite comme Alternative pour l’Allemagne (AfD) et le Front national français. Malgré certains succès électoraux, les efforts de désinformation n’ont pas pleinement répondu aux attentes de la Russie.

Par exemple, des dirigeants d’extrême droite comme Marine Le Pen et la Première ministre italienne Giorgia Meloni ont manifesté un soutien inattendu à l’Ukraine, sapant ainsi l’espoir de la Russie de s’aligner plus étroitement sur le Kremlin.

“L’Autre Ukraine” : le mouvement pro-Kremlin de Medvedchuk

L’influence d’ASD s’étend profondément en Ukraine même, où l’agence a contribué au lancement et à la promotion du mouvement politique pro-Kremlin de Viktor Medvedchuk, L’Autre Ukraine.

Medvedchuk, autrefois chef du parti pro-russe d’opposition Plateforme-pour la vie, interdit en Ukraine, a réapparu en 2023 avec cette nouvelle organisation, promouvant les pourparlers de paix avec la Russie et appelant à la fin du soutien militaire occidental à l’Ukraine.

Des documents divulgués montrent qu’ASD a apporté un soutien global au mouvement de Medvedchuk, depuis l’élaboration de récits anti-ukrainiens jusqu’à la gestion de sa présence sur les réseaux sociaux.

Même dans les cercles russes des médias sociaux, où il est fréquemment critiqué pour son opportunisme et sa trahison envers l’Ukraine, Medvedchuk reste profondément impopulaire malgré ses efforts.

Le réseau mondial de désinformation de la Russie

Les fichiers divulgués par ASD offrent un aperçu sans précédent de l’ampleur et de la sophistication de la machine de désinformation russe.

De la fabrication de fausses nouvelles à la manipulation de l’opinion publique en Europe et en Ukraine, ASD joue un rôle essentiel dans la promotion des objectifs géopolitiques du Kremlin.

Même si les campagnes de désinformation russes ont connu un certain succès, notamment en polarisant les sociétés européennes et en renforçant les partis d’extrême droite, leur impact à long terme reste incertain.

Alors que les gouvernements et les médias deviennent de plus en plus aptes à identifier et à contrer ces efforts, le défi sera de maintenir leur résilience face aux tactiques en constante évolution du réseau de désinformation russe.

Cette enquête nous rappelle brutalement la bataille en cours pour la vérité à l’ère numérique, où la désinformation peut facilement déformer la réalité et influencer la politique mondiale.

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